Spring hier naar de originele tekst van Flaubert uit Salammbô.

(1) De “zaïmph”. Volgens Flaubert heeft hij het woord ontleend aan de bijbel: Genesis 24, 66; 38, 14 en 19. Maar hier treffen we het woord tsaiph een “sluier voor een vrouw” aan: de twee woorden hebben slechts in de verste verte overeenkomsten. In Gen 24, 66 staat: “Daarop nam zij (Rebekka) de sluier (tsaiph) en bedekte zich.”. In 1862 zegt Flaubert dat hij het woord heeft verzonnen, maar doet dan een beroep op het voorkomen van een fantastisch mooie sluier in de Deipnosophistai (de tafelgeleerden) van Athenaeus van Naucratis (XII, 58). Maar het woord “zaïmph” komt er niet in voor. Wel het volgende mooie verhaal:

         

Volgens Aristoteles in zijn Heugenswaardige feiten wilde Alkisthenès de Sybariet zijn goede smaak in onmatige luxe etaleren door zich een mantel te laten maken zo rijk en zo origineel dat hij hem tentoon wilde stellen op de berg Lacinion. Tijdens de feesten ter ere van Hera verzamelden zich alle Grieken op die berg. Onder alle tentoongestelde spullen was men het erover eens dat dit het mooiste stuk was. Men zegt dat Denys de Oude het erfde, en dat hij het voor 120 talenten aan de Carthagers heeft verkocht. Polemon heeft het ook over deze mantel in zijn werk getiteld Carthaagse Kleren. En in het Grieks ziet dat er zo uit:

᾽Αλκισθένην δὲ τὸν Συραρίτην φησὶν Ἀριστοτέλης ἐν τοῖς Θαυμασίοις ὑπο τρυφῆς ἱμάτιον (mantel) τοιοῦτον κατασκευάσασθαι τῇ πολυτελείᾳ ὡς προτίθεσθαι αὐτὸ ἐπὶ Λακινίου ἐν τῇ πανηγύρει τῆς ῞Ηρας, εἰς ἥν συμπορεύονται πάντες ᾽Ιταλιῶται, (541b) καὶ τῶν δεικνυμένων μάλιστα πάντων ἐκεῖνο θαυμάζεσθαι. Οὗ φασι κυριεύσαντα Διονύσιον τὸν πρεσβύτερον ἀποδόσθαι (teruggeven; terugbetalen als boete: L′Ar?) Καρχηδονίοις ρ' καὶ κ' (120) ταλάντων. Ἱστορεῖ δὲ καὶ Πολέμων περὶ αὐτοῦ ἐν τῷ ἐπιγραφομένῳ περὶ τῶν ἐν Καρχηδόνι Πέπλων (kleding: vrouwengewaden, doeken).

De originele tekst.

  1. Moloch = afgod, waaraan kinderen worden geofferd
  2. Hamilcar = de baas = Suffeet;
  3. Giddenem = de bedrijfsleider; meester van de slaven
  4. Abdalonim = algemeen bedrijfsleider

         

Uit: Flaubert: Salammbô: Hoofdstuk XII (p. 148-150): Moloch

Il saisit d′une main Hannibal, arracha de l′autre la ganse d′un vêtement qui traînait, attacha ses pieds, ses mains, en passa l′extrémité dans la bouche pour lui faire un bâillon et il le cacha sous le lit de peaux de boeuf, en laissant retomber jusqu′à terre une large draperie.

Ensuite il se promena de droite et de gauche ; il levait les bras, il tournait sur lui-même, il se mordait les lèvres. Puis il resta les prunelles fixes et haletant comme s′il allait mourir.

Mais il frappa trois fois dans ses mains. Giddenem parut. — " Ecoute ! " dit-il. " tu vas prendre parmi les esclaves un enfant mâle de huit à neuf ans avec les cheveux noirs et le front bombé ! Amène-le ! hâte-toi ! "

Bientôt, Giddenem rentra, en présentant un jeune garçon. C′était un pauvre enfant, à la fois maigre et bouffi ; sa peau semblait grisâtre comme l′infect haillon suspendu à ses flancs ; il baissait la tête dans ses épaules, et, du revers de sa main, frottait ses yeux, tout remplis de mouches.

Comment pourrait-on jamais le confondre avec Hannibal ! et le temps manquait pour en choisir un autre! Hamilcar regardait Giddenem ; il avait envie de l′étrangler.

— " Va-t′en ! " cria-t-il ; le maître-des-esclaves s′enfuit. Donc le malheur qu′il redoutait depuis si longtemps était venu, et il cherchait avec des efforts démesurés s′il n′y avait pas une manière, un moyen d′y échapper.

Abdalonim, tout à coup, parla derrière la porte. On demandait le Suffète. Les serviteurs de Moloch s′impatientaient. Hamilcar retint un cri, comme à la brûlure d′un fer rouge ; et il recommença de nouveau à parcourir la chambre tel qu′un insensé. Puis il s′affaissa au bord de la balustrade, et, les coudes sur ses genoux, il serrait son front dans ses deux poings fermés.

La vasque de porphyre contenait encore un peu d′eau claire pour les ablutions de Salammbô. Malgré sa répugnance et tout son orgueil, le Suffète y plonge l′enfant, et, comme un marchand d′esclaves, il se mit à le laver et à le frotter avec les strigiles et la terre rouge. Il prit ensuite dans les casiers autour de la muraille deux carrés de pourpre, lui en posa un sur la poitrine, l′autre sur le dos, et il les réunit contre ses clavicules par deux agrafes de diamants. Il versa un parfum sur sa tête ; il passa autour de son cou un collier d′électrum, et il le chaussa de sandales à talons de perles, — les propres sandales de sa fille ! Mais il trépignait de honte et d′irritation ; Salammbô, qui s′empressait à le servir, était aussi pâle que lui. L′enfant souriait, ébloui par ces splendeurs, et même, s′enhardissant, il commençait à battre des mains et à sauter quand Hamilcar l′entraîna.

Il le tenait par le bras, fortement, comme s′il avait eu peur de le perdre ; et l′enfant, auquel il faisait mal, pleurait un peu tout en courant près de lui.

A la hauteur de l′ergastule, sous un palmier, une voix s′éleva, une voix lamentable et suppliante. Elle murmurait : " Maître ! oh ! Maître ! " Hamilcar se retourna, et il aperçut à ses côtés un homme d′apparence abjecte, un de ces misérables vivant au hasard dans la maison.

— " Que veux-tu " dit le Suffète.
L′esclave, qui tremblait horriblement, balbutia :
— " Je suis son père ! "

Hamilcar marchait toujours ; l′autre le suivait, les reins courbés, les jarrets fléchis, la tête en avant. Son visage était convulsé par une angoisse indicible, et les sanglots qu′il retenait l′étouffaient, tant il avait envie tout à la fois de le questionner et de lui crier :
— " Grâce ! "

Enfin il osa le toucher d′un doigt, sur le coude, légèrement.
— " Est-ce que tu vas le …… " Il n′eut pas la force d′achever, et Hamilcar s′arrêta, tout ébahi de cette douleur. Il n′avait jamais pensé, — tant l′abîme les séparant l′un de l′autre se trouvait immense, — qu′il pût y avoir entre eux rien de commun. Cela même lui parut une sorte d′outrage et comme un empiétement sur ses privilèges. Il répondit par un regard plus froid et plus lourd que la hache d′un bourreau ; l′esclave, s′évanouissant, tomba dans la poussière, à ses pieds. Hamilcar enjamba par-dessus.

Les trois hommes en robes noires l′attendaient dans la grande salle, debout contre le disque de pierre. Tout de suite, il déchira ses vêtements et il se roulait sur les dalles en poussant des cris aigus :
— " Ah ! pauvre petit Hannibal ! oh ! mon fils ! ma consolation ! mon espoir ! ma vie ! Tuez-moi aussi! emportez-moi ! Malheur ! malheur ! "
Il se labourait la face avec ses ongles, s′arrachait les cheveux et hurlait comme les pleureuses des funérailles. " Emmenez-le donc ! je souffre trop ! allez-vous-en! tuez-moi comme lui." Les serviteurs de Moloch s′étonnaient que le grand Hamilcar eût le coeur si faible. Ils en étaient presque attendris.

On entendit un bruit de pieds nus avec un râle saccadé, pareil à la respiration d′une bête féroce qui accourt ; et, sur le seuil de la troisième galerie, entre les montants d′ivoire, un homme apparut, blême, terrible, les bras écartés ; il s′écria :
— " Mon enfant ! "
Hamilcar, d′un bond, s′était jeté sur l′esclave ; et, en lui couvrant la bouche de ses mains, il criait encore plus haut :
— " C′est le vieillard qui l′a élevé ! il l′appelle mon enfant ! il en deviendra fou ! assez ! assez ! " Et, chassant par les épaules les trois prêtres et leur victime, il sortit avec eux, et, d′un grand coup de pied, referma la porte derrière lui.

Hamilcar tendit l′oreille pendant quelques minutes, craignant toujours de les voir revenir. Il songea ensuite à se défaire de l′esclave pour être bien sûr qu′il ne parlerait pas ; mais le péril n′était point complètement disparu, et cette mort, si les Dieux s′en irritaient, pouvait se retourner contre son fils. Alors, changeant d′idée, il lui envoya par Taanach les meilleures choses des cuisines : un quartier de bouc, des fèves et des conserves de grenades. L′esclave, qui n′avait pas mangé depuis longtemps, se rua dessus ; ses larmes tombaient dans les plats.

Hamilcar, revenu enfin près de Salammbô, dénoua les cordes d′Hannibal. L′enfant, exaspéré, le mordit à la main jusqu′au sang. Il le repoussa d′une caresse.